Depuis le début de l’histoire, l’Homme est à la recherche constante d’efficacité opérationnelle. La quête de productivité est le premier stimulus pour le progrès technique. Cette évolution est particulièrement évidente dans le domaine de la production, passant du travail manuel à la manufacture, puis à l'industrie et enfin à la robotisation. Aujourd’hui l’efficacité opérationnelle est souvent associée à la méthodologie 6 Sigma (6σ), qui s’est imposée comme un puissant outil d’amélioration continue. Asendit vous explique pourquoi des variations du processus, même les plus minimes, peuvent avoir un impact crucial sur le résultat.
Le symbole σ vient de l’alphabet grec et il est utilisé dans les statistiques pour comparer les variabilités des processus. Sigma représente un écart-type (standard deviation en anglais) et est calculé à partir de la valeur moyenne. A l’origine de cette analyse de variabilité – la loi normale des probabilités de Karl Friedrich Gauss qui permet de visualiser la distribution des valeurs pour les événements normalement distribués (variations habituelles du processus). Notamment, selon cette loi on peut observer qu’environ 68% des valeurs se situent à moins d'un sigma (1σ) de la moyenne, environ 95% des valeurs se situent à moins de 2σ de la moyenne. Et environ 99,7% des valeurs se situent à moins de 3σ de la moyenne (NDLR : attention toutefois à ne pas confondre les deux méthodes : dans la méthode 6 Sigma, le niveau 3σ correspond à ~ 93,3% de conformité).
Au début du XXème siècle le statisticien et physicien américain Walter A. Shewhart relie ensemble les concepts de déviation et de qualité de production. En charge de la direction technique de Bell Telephone Laboratories, il cherche à atteindre la qualité constante de la production et met en place des cartes de contrôle qui lui permettent de surveiller les variations (écarts de qualité) dans le processus et, in fine, les réduire. Il donne ainsi la naissance au concept d’Assurance Qualité.
La méthode 6 Sigma, quant à elle, est née dans les années 80, quand Bill Smith, le Directeur Assurance Qualité de Motorola formalise ce concept statistique, qui est désormais une marque déposée par Motorola. 6 Sigma est devenue ainsi une méthode de management des processus, centrée sur l’excellence de production.
6 Sigma est une mesure de qualité. L’objectif principal de la méthode 6 Sigma est de garantir la satisfaction du client dans la durée grâce à la production de qualité constante. Ce standard de qualité est représenté par la valeur moyenne. Afin de réduire au maximum les variations de qualité et s’approcher au plus de la valeur standard, 6 Sigma exige que 99,99966…% de la production soit dans l’intervalle de 6σ autour de la moyenne. Autrement dit elle ne tolère que ~ 0.0003% de non-conformité (dans 6 Sigma cela se traduit par 3.4 défauts par 1 000 000 opportunités).
C’est un chiffre qui peut paraître dérisoire dans notre vie de tous les jours. En comparaison, le processus de niveau 5 sigma correspondent à 99.977% de conformité. Autrement dit, le processus de niveau 5 sigma tolère 0.023% de défauts de qualité. La différence entre deux niveaux (6σ et 5σ) n’est qu'environ 0,03%. Est-ce vraiment si important ?
Tout dépend des enjeux qu’un défaut de réalisation peut représenter pour la suite du processus : pour l’entreprise en termes de coûts (en cas de son non-utilisation du produit/service, son reconditionnement, etc.), mais aussi pour les utilisateurs finaux en termes de non-satisfaction ou même parfois de danger pour la santé.
Prenons l’exemple d’une opération chirurgicale. Avec 826 000 interventions par an (données de l'année 2016), le traitement chirurgical de cataracte primaire est l’acte chirurgical le plus fréquent en France. Avec le niveau de qualité de 6σ, le nombre d’opérations échouées s’élèverait à 2,8 par an, tandis qu’avec 5σ, on compterait 192,5 échecs en moyenne par an. Quand il s’agit du résultat d’une opération chirurgicale, la différence entre 2,8 et 192,5 échecs ne semble plus être aussi négligeable que l’écart de 0,03% entre les taux de réussite de deux niveaux.
Pour une entreprise, cet écart peut présenter également une perte importante. Par exemple, 285 millions bouteilles de champagne ont été produits en France en 2022. Si le niveau de production est de 6σ, le nombre de bouteilles défectueuses s’élèvera à 969. En prenant un prix moyen de revente de 20€, cela représenterait 19 380€ de pertes pour le producteur. Avec le niveau de qualité de production de 5σ, il compterait 66 405 bouteilles non conformes, ou 1 380 100€ de pertes. Encore une fois, la différence de 1,36 million d’euros de pertes ne s’explique que par environ 0,03% d’écart de qualité de production.